Certains régimes de retraite disposent actuellement d’une réserve en prévision des temps difficiles. En raison de la réforme des retraites, ces régimes craignent de voir leurs provisions alimenter un pot commun auquel les autres caisses ne peuvent pas participer.
Les régimes de retraite s’interrogent sur l’avenir de leurs réserves
Les régimes de retraite se demandent de ce qu’il adviendra des réserves qu’ils ont amassé pour faire face aux périodes de vaches maigres. Le régime universel envisagé par le gouvernement risque en effet de tout chambouler dans un système déjà complexe. La remise à plat du système actuel signifie-t-il que les régimes disposant d’une provision doivent y renoncer au nom de l’intérêt commun ? Il s’agit ici d’une somme avoisinant les 129 milliards d’euros à la fin de l’année 2016 à laquelle s’ajoutent les 36 milliards du fonds de réserve des retraites.
D’un point de vue global, le système de retraite français est loin d’être déficitaire. Selon l’analyse du Conseil d’orientation des retraites (COR) : « la situation patrimoniale nette du système de retraite obligatoire en répartition s’élève à 116,1 milliards d’euros, soit 5,2% du PIB, à fin 2016 ». Le COR a obtenu ce résultat en ajoutant aux 165 milliards de réserve les 3 milliards de subvention d’équilibre pour le compte de la fonction publique d’Etat et en enlevant les 52 milliards d’euros de dette « retraite » gérée par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).
Le nouveau régime plébiscité par le Président de la République Emmanuel Macron est dit-on plus uniforme et plus juste puisque le mode de calcul de la pension est le même pour tous. La mise en place de ce système universel pourrait cependant pénaliser les régimes qui ont fait preuve de prévoyance. Ils sont contre l’idée de redistribuer leurs réserves afin que tout le monde puisse en profiter, même si tel est le principe même de l’harmonisation du système.
Il est important de souligner que les 42 régimes de retraite existant en France ne disposent pas tous d’une réserve en prévision des jours difficiles. Les moins prévoyants sont entre autres le régime de base des salariés privés, la fonction publique d’Etat, la SNCF et la RAPT. Les deux caisses de retraite Agirc et Arrco disposent quant à elles d’une réserve (constituée avec les cotisations de leurs adhérents) plus que conséquente puisqu’elle représente environ une année de pensions. Il faut souligner en effet qu’en cas de coup dur, la retraite complémentaire des salariés du secteur privé ne peut pas compter sur la générosité de l’Etat.
Selon les données fournies par le conseil d’orientation des retraites (COR), les régimes disposant d’une réserve à la fin de l’année 2016 sont :
Régimes de base :
- CNAVPAL (professions libérales) avec 1,7 milliard d’euros
- CNBF (avocats) avec 0,6 milliard d’euros
- RSI (indépendants) avec 0,7 milliard d’euros
Régimes intégrés :
- BDF (Banque de France) avec 5,4 milliards d’euros
- CNRACL (collectivités locales) avec 2,2 milliards d’euros
- CRPCEN (clercs et employés de notaires) avec 0,4 milliard d’euros
Régimes complémentaires :
- Agirc-Arrco avec 70,8 milliards d’euros
- CNAVPL complémentaire avec 21,8 milliards d’euros
- RCI indépendants avec 16,4 milliards d’euros
- Ircantec (agents de l’Etat non titulaires) avec 7,5 milliards d’euros
- CNBF complémentaire avec 1,2 milliard d’euros
- MSA complémentaire (agriculteurs) avec 0,2 milliard d’euros
Les régimes par répartition ont pu mettre de côté près de 129 milliards d’euros, un magot qui va faire l’objet d’un sérieux débat lors des séances de concertation entre les partenaires sociaux et le haut-commissariat à la réforme des retraites. La décision sur le « devenir » des 165 milliards d’euros de provisions (129 milliards d’euros des régimes par participation et les 36 milliards du fonds de réserve des retraites) doit être équitable pour que le nouveau système de retraite puisse l’être à son tour. Mais la tâche s’annonce difficile dans la mesure où les 42 régimes de retraite n’ont pas fourni les mêmes efforts. En effet, tout le monde devrait prendre part au pot commun pour une redistribution plus juste.
En outre, la question sur la gestion de ces réserves et également sur la table. Le négociateur de la CFDT, Frédéric Sève, pense que dans l’intérêt des assurés, la meilleure option est de confier cette tâche à une entité autre que Bercy. Il souligne en effet l’importance d’une gouvernance « non-technocratique » socialement responsable.
Le sort des réserves n’est pas le seul point à faire débat lors des concertations. Le travail du haut-commissariat à la réforme est très loin d’être facile puisqu’il faut encore aborder avec les syndicats de nombreux sujets très sensibles.